Un article récent du Monde, repris dans Direct Lille dans son édition du 2 mars, titrait : La tyrannie de l’open space. L’article ouvre sur : « Bruit, promiscuité… de nombreux salariés souffrent du mode d’organisation de leurs bureaux en open space, c’est à dire sans cloisonnement. En illustration, une photo d’un grand espace où s’aligne à perte de vue des travailleurs devant leur ordinateur. Difficile de ne pas adhérer à ce rejet de l’open space où l’on fait travailler les salariés comme on élève des poulets en batterie. Surtout quand il fait écho au buzz du livre « L’open space m’a tuer », de sa page facebook et de son site lopenspacematuer.com qui invite à les visiteurs à partager leurs anecdotes de vie de bureau en espace partagé, ce qui ne manque jamais de fédérer.
J’ai pour ma part quasiment toujours travaillé en open space et je me reconnais bien dans la plupart des situations. J’ai aussi longtemps travaillé en agence de communication et je reconnais bien la mécanique de cette tendance : le thème porteur pour les médias, les anecdotes « à la Caméra Café » plongées dans un univers « à la 99 francs », la reprise d’une faute d’orthographe devenue célèbre par un fait divers sordide, la validation des experts médicaux, la vindicte sur les patrons qui font des économies de surface et compriment toujours plus leurs salariés. Et qui plus est, tout cela est en grande partie vrai. Reste qu’à mon avis, on se trompe de cible.
Si la structuration de l’espace est un élément essentiel dans l’organisation et le vécu du travail, c’est avant tout la politique qui pilote ces choix immobiliers qu’il est intéressant de regarder. Limitez l’initiative des salariés, augmenter la pression de leur hiérarchie et de leur objectifs, réduisez leur qualité de vie et vous obtiendrez plus de stress, de fatigue, de dépression, open space, ou non. Il est vrai que dans ce cas de figure, le bureau fermé créé une bulle qui protège en partie de cette pression.
Maintenant, pour mettre en place une organisation du travail qui met en avant la collaboration, laisse la place à autonomie et incite au respect mutuel, l’open space est un excellent outil. Ici, le gain de place n’est pas l’objectif, même si il peut en résulter. Il est d’autant plus efficace lorsque l’on peut offrir des espaces clos qui sont fonctionnels et non pas personnels.
C’est d’ailleurs sur cette manière de voir que l’article se termine et ouvre des portes à une vision bien moins binaire et réductrice de l’espace de travail. Il rejoint le témoignage de Catherine Gall, responsable recherche chez Steelcase International, publié dans le livre Le télétravail en France (Pierre Morel à l’Huissier, Nicole Turbé-Suetens, aux éditions Pearson) dans lequel elle expose les deux logiques d’aménagement de l’espace de travail que ses recherches ont mis en avant :
– la logique classique où « l’aménagement d’espace reflète l’organisation hiérarchique et le statut des collaborateurs. Le travail individuel et la présence au bureau sont les ressorts de la performance; le manager est sur place, il s’appuie sur le contrôle et la supervision ».
– la logique émergente où « l’aménagement d’espace reflète les processus de travail, les métiers et la culture de l’organisation; le bureau est un lieu de vie, un carrefour d’échange et d’idées, il permet de renforcer le sentiment d’appartenance à l’organisation des salariés nomades. La coopération et le travail en réseau sont les moteurs essentiels de la production d’idées et de la création de valeur ajoutée. »
Il convient donc de remettre les choses dans l’ordre et de d’abord s’intéresser à comment nous concevons le travail et son organisation pour ensuite créer des espaces qui mettent en oeuvre cette politique.
A bientôt.